Descente aux enfers et espoir de résurrection : la 2e vie de Montmurat.

ravenne62 Par Le 07/03/2017

Dans Divers

Oeil

La descente aux enfers

Arrêté un an et demi pour cause d'indisponibilité de cavaliers, Montmurat est revenu à Achères pour reprendre le travail sans objectif particulier. Rapidement, il a montré des signes de réticences à l'égard du travail, qu'il soit monté ou en longe. Le galop était perpétuellement un galop à 4 temps. Dans tous les exercices que l'on pouvait lui demander régnait sans cesse le défaut d'impulsion.

J'ai cherché l'avis de professionnels, moniteurs & ostéopathe pour comprendre ce qui pouvait provoquer cela. Les coaches affirmaient que mon équitation était "trop gentille", qu'il fallait oser lui rentrer dedans et ne pas avoir peur des ruades pour obtenir quelque chose. L'ostéopathe me soutenait qu'à part un défaut de musculation certain, il n'avait aucun problèmes physiques. J'ai tenté une équitation plus "violente", usage du stick pour une leçon de jambe : mais je devais répéter la leçon toutes les cinq minutes. Monté par des cavaliers plus aguerris, Montmurat se rebellait à coup de ruades, mais finissait par céder en avançant plus vite. De ce fait, je me sentais plus bas que terre et affirmait que mon équitation avait atteint son degré d'incompétence (i. e. le principe de Peter). J'ai même accepté le temps d'un cours ce que je m'étais toujours refusée de porter : les éperons. Sauf que moins de 10 minutes après les avoir posés sur mes chaussures, cela ne fonctionnait plus…

Je déprimais totalement. Les séances d'équitation étaient devenues des séances de calvaire. Je mettais plus de 45 minutes à obtenir un élément positif sur lequel conclure la séance. Un jour d'octobre, cela faisait au moins 3 semaines que les séances se ressemblaient, je sticke Montmurat pour qu'il consente à accélérer son trot. Il a alors une réaction qu'il n'avait jamais eu. Habituellement, il ruait ou accélérait l'allure pour la décélérer 10 mètres plus loin. Mais cette fois, en réponse au stick, Montmurat se fige, comme s'il clouait ses sabots dans le sol. J'interprète ce comportement d'une seule manière : "Je ne peux pas te donner ce que tu veux, est-ce que tu me comprends ?"

En dépit des avis que je recevais, je décide de faire appel à un nouveau vétérinaire : Jérôme Seignot.

La recherche de la vérité

Jérôme a commencé par un bilan sanguin qui a révélé une légère anémie et un taux de fibrinogènes hors norme. Le fibrogène est une protéine du sang qui augmente en état inflammatoire. Face à ces résultats, en l'absence de chocs connus, on ne cherche pas forcément à connaitre la cause, on traite par antibiotique immédiatement.

Montmurat a été traité pendant une semaine. Le contrôle sanguin qui a suivi n'était malheureusement pas meilleur. Jérôme est donc venu l'observer en situation de travail monté. Ses remarques ont été les suivantes : cheval mou, ne présentant pas d'impulsion même avec un cavalier professionnel sur le dos (mon coach était monté dessus). Cheval qui se retient, ses postérieurs ne dépassent jamais son nombril.

Fatigue

Concernant le cheval qui se retient, la sensibilité des pieds a été évoquée. J'ai donc appelé Xavier Meal qui lui a posé des Perfect Hoof Ware. Jérôme a validé que le cheval était bien protégé avec ces "chaussons" et ne nécessitait donc pas d'être ferré.

La remarque concernant le défaut d'impulsion s'accompagnait de l'observation d'un rachis bloqué. Le défaut de musculation du dos n'aidant pas, nous avons convenu d'un protocole quotidien de remusculation stricte : 20 min de pas incompressibles, galop tout de suite après avec recherche de l'impulsion ; une fois l'impulsion obtenue, travail normal. Interdiction de galop et trot assis. Parallèlement, j'ai appelé l'ostéo qui m'a confirmé que le cheval n'avait rien à part un défaut de musculature et une gêne au niveau de ses pieds.

Au bout de 10 jours de protocole respecté, Montmurat était encore moins enclin à travailler qu'au début. Les 20 minutes de pas étaient d'une pénibilité sans nom. Le galop, à quatre temps, une vraie catastrophe. Le protocole, au lieu de l'aider à retrouver une dynamique, l'épuise et l'achève. Je fais le point un soir avec le vétérinaire, se dessinent 3 solutions :

1/ Abandonner l'espoir qu'il retrouve une performance quelconque et le mettre en retraite.

2/ Considérant que le cheval présente un problème au niveau du rachis, tenter des infiltrations à l'aveugle et constater le résultat.

3/ Réaliser tous les examens nécessaires pour poser un vrai diagnostic.

Je choisis la 3e solution qui me semble la plus raisonnable avec un cheval de 12 ans, ayant encore une belle vie devant lui. J'ai besoin également de comprendre et d'obtenir la confirmation que je n'affabule pas sur la situation, me leurrant sur la qualité de mon équitation.

Dr house

Montmurat est hospitalisé pour une après-midi. On commence par des radios des antérieurs : RAS. On anesthésie un pied présentant une légère raideur afin d'observer l'avant-après : pas de changement. On procède à des radios des vertèbres : encolure RAS, mais par la suite présence d'un Conflit du Processus Epineux sévère (CPE). Deux vertèbres thoraciques placés sous la selle se touchent, ce qui explique que Montmurat se mette à l'envers dès que l'on s'assoit. Il présente également deux lombaires dans la même situation expliquant le blocage du rachis et donc les difficultés de l'allure galop. Enfin des deux dernières lombaires sont déjà soudées, ce qui présentent le seul avantage de ne plus du tout générer de douleur.

Nous avons poursuivi le diagnostic en pratiquant une échographie totale du dos, en surface et par l'intérieur. Montmurat présente une arthrose importante tout le long de la colonne.

Avec ce diagnostic sombre, nous pouvons conclure que le cheval est en souffrance perpétuelle même à l'état statique. Nous procédons sur le champs à 12 infiltrations dont 8 guidées à l'échographe. Ce traitement s'accompagne d'un nouveau protocole : 3 jours d'arrêt, pas en main ; puis reprise progressive du travail d'abord au pas pendant une semaine. On commence par 15 min puis travail progressif tout au long de la semaine pour atteindre 60 min au bout de 7 jours. A l'issue de cette semaine au pas, reprendre le galop et repartir sur le précédent protocole pour remuscler la bête.

C'est anéantie que je ramène Montmurat à l'écurie. J'ai cravaché mon cheval, douté de mon équitation pendant des semaines, alors qu'il souffrait et n'était pas en mesure de satisfaire mes demandes. Le pronostic est sombre pour l'avenir : les infiltrations vont-elles fonctionner ? Comment se passeront les cessions d'arrêt de travail ? Comment gérer un travail quotidien ?

Désormais la tolérance zéro pour le dos est appliquée. Dès que Montmurat a un cavalier sur le dos, on lui branche des élastiques. Elles ne sont pas réglées trop serrées mais assez pour qu'il ne puisse pas redresser la tête.

Elastique

Rebondissement

La semaine de reprise du pas a été épuisante. Aucune réaction à la jambe, pas d'allongements. Fin de semaine sur 60 min de pas avec un cheval qui n'avance pas. Si l'on considère que l'allure moyenne d'un cheval au pas est de 6 km/h, j'ai un gros doute sur le fait que j'aurai parcouru 2 kms !

Je suis dépitée et fond même en larme en descendant de Montmurat la veille de la reprise du galop.

Le lendemain, peu de temps avant de me rendre à l'écurie, je reçois un message du vétérinaire : "On arrête tout, je viens de recevoir les résultats des analyses parties à Caen : Montmurat est fortement positif à la maladie de Lyme".

Tiques

Même si cette séropositivité m'anéantit une 2e fois, tout s'explique enfin. L'attaque nerveuse et articulaire du Lyme entraine l'augmentation des fibrinogènes, la chute des globules blancs et la mollesse incroyable du cheval. Elle a bloqué la remusculation du dos, entrainant une accentuation marquée de l'arthrose et du CPE. Les pieds ont développé une sensibilité anormale à cause de l'attaque du système immunitaire. Le cheval abattu, très lent même après avoir été enfermé plusieurs jours au box (il avait été tapé par un congénère), est symptomatique du Lyme.

Une lueur d'espoir

La maladie de Lyme est très peu connue aujourd'hui. On sait que sur l'humain est laisse des séquelles neurologiques et de paralysie assez graves. Chez le cheval, rien n'a encore été démontré. Quelques traitements ont été testés mais rien est encore très sûr.

Le traitement ayant fait ses preuves en étude consiste en l'ingestion d'un antibiotique en intraveineuse pendant 1 mois. Cependant, les risques de phlébites sont très importants et cela suppose la venue quotidienne du vétérinaire. Montmurat a donc eu le traitement en intraveineuse pendant 7 jours afin d'attaquer la maladie rapidement, puis le traitement en poudre à ingérer 2 fois par jour pendant 45 jours. Au cours du traitement, nous avons surveillé attentivement l'état du cheval et les crottins (surveillance de coliques éventuelles). Le travail était plus que modéré, monté au plus 2 fois par semaine pendant 30 min avec 20 min de pas.

Malade

Quinze jours après l'arrêt du traitement, Montmurat va mieux. Les fibrinogènes sont redescendues, les globules blancs et rouges sont en bonne voie. Le cheval a l'œil plus vivant, il joue, galope et rue en liberté. Ça reste un bon diesel, mais une fois chaud, il donne ce qu'il ne donnait plus depuis des années. J'ai le stick dans la main par principe, mais je n'ai pas besoin de l'utiliser.

Il faut maintenant se consacrer à la remusculation du dos pour gangréner le CPE et tirer le maximum de bénéfice des infiltrations.

Ne pouvant pas assurer le travail quotidien de Montmurat, j'ai choisi de le changer d'écurie. Dans le cadre de sa convalescence et je l'espère renaissance, Montmurat est entré à Vigny. Il est travaillé dans le bon sens et progressivement par des professionnels toute la semaine. Parallèlement il est dehors toute la journée et dort dans un box spacieux et lumineux. Pour ma part, je le retrouve détendu et à l'écoute le week-end.

Nous nous donnons un mois de travail complet avant de conclure sur la rédemption de Montmurat.

Monte2

Je loue sur ce post la persévérance et le professionnalisme du Dr Seignot qui a été à l'écoute de mon cheval et aussi de mon ressenti durant cette période. Il n'a rien lâché dans notre quête de la vérité et si Montmurat va mieux aujourd'hui nous lui devons. Merci.

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Post publié par Audrey