Les grands principes de l'équitation éthologique

1.    Spécificités du cerveau équin vs humain

Tout d’abord, il faut assimiler le fait que le cheval n’est pas un être humain. Petit rappel de l’anatomie du cerveau :

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Le cerveau est composé de 3 parties :

-      Le cerveau REPTILIEN, siège des plus bas instincts

-      Le cerveau LIMBIQUE, où se situent les émotions, la mémoire, l’apprentissage

-      Le cerveau CORTEX, très développé chez l’humain qui nous amène la réflexion, l’anticipation

 

Le cerveau du cheval pèse environ 500g soit 0,1% de son poids. Toute sa pensée vient de son cerveau limbique, ce qui signifie qu’il vit dans l’instant, il ne se prépare à rien. Contrairement à l’être humain, dont le cerveau pèse 1,5kg (soit 2% de son poids) et qui raisonne via son cortex cérébral.

Le cheval utilise son cerveau reptilien pour ses comportements de survie (attaque, fuite, défense, postures…) et son cerveau limbique, siège des émotions. C’est le cerveau limbique qui mémorise les sensations ressenties et permet donc l’apprentissage. Le cortex, chez l’humain, est le siège du raisonnement. Il permet de parler, agir, penser, décider, anticiper. La sociabilisation a poussé l’être humain à utiliser principalement la région cortex de son cerveau au détriment du cerveau limbique, pourtant toujours présent. Laisser le cerveau limbique reprendre sa place permettrait de se rapprocher du cheval en revenant à une communication intuitive : stop au raisonnement (proprement humain) et place au ressenti (animal).

Voici un exemple probant qui nous montre deux modes de pensées différents entre un cheval et un être humain : plaçons un cheval dans une pièce carrelée, avec du foin dans un coin. Le cheval a alors envie d’uriner. Il vit l’instant présent, doit assouvir son envie dans les meilleures conditions. Préférant ne pas être éclaboussé, il va se soulager sur le foin. Quelques temps plus tard, il a faim. Il constate alors que le foin souillé par lui-même n’est plus comestible. Avec son cerveau limbique, il n’a pas anticipé sa faim future et n’a pas préservé le foin. Cet exemple valide la théorie qu’un cheval ne peut pas programmer un mauvais coup envers son cavalier. Il ne se lève pas le matin en se disant « aujourd’hui, 3 sauts de mouton et je le mets par terre ! ». A partir du moment où nous comprenons que le cheval n’a pas d’intentions aussi bien malfaisantes que bienfaisantes, nous avons fait un grand pas vers le horsemanship.

2.    Place du cheval dans le « cycle de la vie »

Le cheval est un herbivore, animal proie dans la nature, dont l’instinct de fuite a permis de survivre pendant des milliers d’années. Cet instinct prévaut donc devant toute réflexion. Le cheval cherchera toujours la réponse lui permettant d’éviter une situation d’inconfort, notamment face à des prédateurs comme l’Homme. Ainsi, autant un chien, animal carnivore, sera plus facile à éduquer via du renforcement positif – tu fais bien, je récompense -, autant un cheval sera dressé par un renforcement négatif. On le met dans une situation d’inconfort, s’il répond bien à la question, on lui rend son confort instantanément.

L’exemple le plus concret est l’emploi des aides. On appuie avec les mollets sur le ventre du cheval pour qu’il avance, créant ainsi une situation d’inconfort. Il fait un pas, les jambes cessent leur pression et le cheval retrouve une situation confortable. Il comprend dès lors que les jambes ne lui appuieront plus sur les flancs s’il avance. Il gardera en mémoire, dans son cerveau limbique, cet apprentissage.

Par l’équitation éthologique, notre but est de faire du cheval un chercheur de réponses. Mais pour qu’il trouve les réponses à nos questions, il ne faut qu’une unique réponse par question. Autrement dit : une aide = un comportement attendu. En équitation de club, on va nous répéter souvent de serrer les jambes pour avancer et de serrer les jambes pour arrêter son cheval droit. Comment un cheval peut-il trouver la réponse à la question « je sers les jambes » s’il y a deux réponses possibles ? De même, si l’on recherche la flexion en gardant du contact sur ses rênes, donc pression sur la bouche en avançant et que, parallèlement, nous arrêtons le cheval en fermant les doigts sur les rênes, donc pression sur la bouche pour s’arrêter… La pression sur la bouche signifie arrêt ou pas ? L’équitation éthologique n’invente rien. L’écuyer François Baucher, au 19e siècle disait déjà « Mains sans jambes, jambes sans mains ».

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Avez-vous déjà essayer d’accélérer et de freiner en même temps ?

 

 

 

Nous avons eu la parole des grands écuyers du passé et nous avons maintenant celles des clubs équestres… Nous pourrions comparer cette dérive à la parole de Jésus, transformée et diffusée par ses apôtres. Revenons aux sources de notre cerveau limbique afin de communiquer avec l’animal dans un langage à sa portée. Mais alors les aides principales seraient lesquelles ?

-      Jambes serrées = avancer

-      Assiette bloquée et poids du corps = arrêter

-      Action sur les rênes = flexion verticale et latérale + direction si besoin de renforcer l’action des jambes

-      Action d’une jambe 2 fois derrière la sangle = mobilisation des hanches

-      Action 1 fois derrière la sangle = déplacement latéral

-      Action à la sangle = déplacement des épaules

Pour toutes ces aides, cessation immédiate à la première réponse positive de la situation d’inconfort provoquée par la pression de l’aide. Tout est une question de timing pour se faire comprendre.

3.    Le cheval doit rester maitre de son umwelt

Dernier point important, laisser le cheval maitre de son umwelt, c’est-à-dire de son environnement. Cela consiste à le « laisser gagner » lorsqu’il a trouvé la bonne réponse. Nous lui posons une question, par exemple « recule » par un zigzag du licol et une posture qui le pousse à reculer. Il recule, mais pas assez à notre goût, nous continuons le stimulus, puis satisfaits enfin, nous arrêtons. Pourtant le cheval reste interrogatif par rapport à la réponse à donner. Il recule, nous n’arrêtons pas le stimulus, il recule, nous arrêtons le stimulus ???

Si nous donnons des signaux contraires pour une même action, le cheval perd la maitrise de son environnement et peut sombrer doucement dans la folie. Il ne lui restera que deux solutions : être fou et devenir lui-même imprévisible ou bien devenir un cerveau lobotomisé avec l’œil vide.

Encore un exemple d’une situation où le cheval perd la maitrise de son environnement :

Un cheval craint la tondeuse. Il bouge beaucoup, si bien que le « coiffeur » néophyte arrête la tondeuse chaque fois pour repositionner le cheval, il arrête alors de bouger. Celui-ci vient d’assimiler qu’en bougeant, il obtient l’arrêt de la tondeuse dont le bruit le perturbe. Il considère qu’il a trouvé la réponse à cette situation d’inconfort. Le néophyte va donc chercher l’aide du moniteur d’écurie expert dans la tonte des chevaux rebelles. Celui-ci rallume la tondeuse et tond le cheval qui bouge tout en grognant. La réponse trouvée par le cheval ne fonctionne plus ! Il a beau bouger, la tondeuse ne s’arrête pas. Il a perdu la maitrise de son umwelt, ne comprend plus rien.

Toute la finesse de l’équitation éthologique repose sur la cohérence des renforcements positifs ou négatifs enseignés et sur le timing. Le cheval bouge à l’écoute de la tondeuse, elle reste allumée. Le cheval s’arrête, la tondeuse s’éteint instantanément. Il a alors trouvé la réponse : pour que la tondeuse cesse, il faut s’immobiliser. La récompense de l’arrêt de la situation d’inconfort va peu à peu lui apprendre à rester immobile face à la tondeuse.

Donc à retenir : Stop à l’anthropomorphisme, place à la cohérence des aides et respect du timing. Le cheval est un herbivore au cerveau limbique, nous ne pouvons parler en tant que carnivore, au fort cortex cérébral, en s’adressant à lui sans risquer qu’il ne nous comprenne pas.

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